Actuel – 25.04.2014

« Il faut pas se gêner pour être journaliste »

Article publié dans Edito + Klartext no 02 / 2014

Tous les ans à l’amorce du printemps, des centaines de classes romandes participent à la Semaine des médias à l’école. L’occasion d’écouter des adolescents parler de leur relation aux médias et leur manière de s’informer.

Organisée par la Conférence romande des directeurs de l’instruction publique, la Semaine des médias n’est pas obligatoire, ce sont les enseignants qui prennent l’initiative d’y participer en choisissant dans un éventail d’activités proposées. Nous en avons profité pour rencontrer une quinzaine d’élèves d’un collège neuchâtelois, à Peseux, âgés de quatorze ou quinze ans (onzième classe). Leur représentativité était relative : il s’agissait manifestement d’une classe de bon niveau social, beaucoup de familles étant abonnées à L’Express (le quotidien régional) ou L’Hebdo.
Ce qu’il pensent des journalistes ? La discussion s’oriente immédiatement vers le respect (ou non) de la vie privée. Remarque ironique d’un élève : « Il faut pas se gêner pour être journaliste ! » Réponse d’une autre : « En même temps, on est intéressés. » Qui lit les pages people ? Oui, beaucoup le font. Et le métier de journaliste, ça les tente ? Un seul y a pensé, sans grande conviction.
Invités à un exercice de sélection des informations dans 20 Minutes, en petits groupes, avec pour consigne de choisir les trois nouvelles les plus importantes et les trois qui les touchent personnellement, il s’avère qu’ils font bien la différence : souvent ce ne sont pas les mêmes, mais parfois si, preuve que la distinction est claire. Ce jour-là, ce qui fait l’unanimité parmi les informations importantes, c’est la disparition de l’avion MH370 en Malaisie. La météo est citée par la plupart des groupes, et quelques résultats sportifs. Ce qui les touche ? Des faits divers : un homme qui offre 100.000 francs de récompense pour retrouver l’assassin de sa femme ; le succès du livre de témoignage de la mère de Zoé, décédée du cancer.

La distance critique, ils l’ont spontanément. Peut-on croire tout ce qui est dit dans les publicités ? « Non, non ! » Et dans les articles ? « Pas toujours, ça dépend quoi. » Un élève m’interroge sur la fréquence des images manipulées, d’autres l’approuvent. En revanche, la provenance des informations publiées leur est inconnue, encore bien plus que je ne l’aurais pensé. La signature ? Ils n’y prêtent pas garde. Les initiales d’agences de presse ? Ils n’en ont jamais entendu parler. Selon eux, d’où vient en général l’information ? « Il y a des gens qui vous appellent », suggère une élève. « Vous savez quand par exemple il y a une manifestation », se risque un autre. Savent-ils ce qu’est une conférence de presse ? Apparemment le terme ne leur est pas totalement inconnu, mais non, pas vraiment. Qui les donne à leurs avis ? « Les entreprises », propose l’un. Oui, mais qui d’autre ? Silence.
Et eux, comment s’informent-ils en priorité ? Première réponse : par Google. Le moteur de recherches bien sûr. Google actualités ? Non, personne. Pas sûr même qu’il aient tous eu la curiosité d’aller voir ce que c’est. « Moi, c’est par le téléjournal », intervient un garçon. Le regarde-t-il parfois seul ? Non, seulement quand ses parents allument le poste. Une jeune fille le regarde aussi en famille, pendant le repas. D’autres réagissent : ce n’est pas bien, il vaut mieux parler à table. Le journal, il leur arrive de le lire si la famille est abonnée, mais les sites web des journaux, rarement. Tiens, une exception : un garçon dit consulter le site du quotidien Le Monde. Manifestement, les autres le trouvent un peu bizarre. Et les réseaux sociaux ? Bien sûr, beaucoup les fréquentent. S’en servent-ils parfois pour s’informer ? « Sur twitter on peut quand même savoir pas mal de trucs, dit une élève. Mais pas pour savoir ce qui est arrivé à l’avion disparu. » Plutôt des informations pratiques, locales.

Et plus tard ? Pensent-ils qu’ils s’intéresseront davantage à l’actualité ? Qu’ils liront le journal ? Oui, ils sont plusieurs à lever la main. Non, ce ne sera pas un gratuit, ce sera L’Express certainement. Mais ce n’est pas pour une question de différence de qualité, c’est parce que le journal payant, on peut le recevoir à la maison, alors que 20 Minutes, « il faut aller le chercher ! » Toujours est-il qu’il est important, relève un garçon, « de savoir un minimum dans quel monde on vit. » Et il leur paraît normal de payer pour de l’information, parce que « ce serait pas juste si les gens qui produisent l’information ne sont pas payés. » Mais leur arrive-t-il souvent d’acheter un journal ? Silence éloquent. Puis une élève propose son avis, qui va recueillir l’assentiment des autres : « L’information de base peut être gratuite, et si elle est approfondie on est d’accord de payer. »
Alain Maillard

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