Deux entreprises semi-publiques entrent au capital du principal quotidien indépendant en Suisse romande, La Liberté. Le groupe E et la banque cantonale fribourgeoise acquièrent un tiers des actions dans un premier temps, et pourront acquérir un deuxième tiers plus tard. Qu’en pense François Gross, rédacteur en chef de 1970 à 1990 et artisan de la laïcisation de ce journal historiquement catholique ?
« Cette vente résulte d’un processus lent et réfléchi. Les Soeurs de Saint-Paul cherchaient une solution fribourgeoise. Ce n’est peut-être pas la meilleure solution, mais certainement la moins mauvaise en l’état actuel des choses. Le groupe E et la banque cantonale affirment leur intention de respecter l’indépendance rédactionnelle du journal. Mais ils n’ont ni l’un ni l’autre vocation à devenir éditeurs. Peut-être voudront-ils, à l’occasion d’une nomination, exercer leur influence ? Je reste prudent. Tant que Louis Ruffieux est à la rédaction en chef, je crois que l’indépendance du journal est garantie, il en a donné la preuve ces derniers temps. Mais le jour où il sera remplacé…
– En quoi est-il préférable d’avoir des propriétaires locaux ? Un propriétaire lointain n’est-il pas moins tenté de vouloir influencer le contenu du journal ?
Dans ce canton bilingue, il aurait été délicat d’approcher un investisseur zurichois tel que Ringier ou Tamedia. D’autant plus que ce processus a été marqué par la décision des Freiburger Nachrichten de quitter l’Imprimerie Saint-Paul ! Quant au groupe Hersant, Roger de Diesbach (rédacteur en chef de 1996 à 2004) avait de solides raisons de s’y opposer : Hersant est lié à certains réseaux catholiques français.
– Existe-t-il un bon système de propriété des journaux ?
Idéalement, oui ! A la Gazette de Lausanne, j’avais préconisé en vain la création d’une société des rédacteurs qui détiendrait une part du capital, comme c’est le cas au Monde. Mais je dois avouer que les expériences faites par le quotidien français, avec le droit de blocage en mains des rédacteurs, n’ont pas été très heureuses. Je continue néanmoins à croire qu’une division du capital entre les rédacteurs, les lecteurs et des investisseurs serait une bonne voie. »
Propos recueillis par Alain Maillard
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