Secteur  Droit des médias

03.10.2024

De la gestion des erreurs journalistiques

Les erreurs dans les reportages peuvent survenir rapidement. La correction de ces erreurs prend parfois plus de temps.

Par Manuel Bertschi

L’erreur est humaine. Mais qui aime admettre ses erreurs ? Même certains médias peuvent avoir du mal à l’admettre. Pourtant, les erreurs dans les reportages peuvent avoir de graves conséquences pour les personnes concernées. Les erreurs évidentes et reconnues par les médias eux-mêmes sont généralement corrigées sans intervention extérieure.

Cependant, il arrive souvent que les journalistes et les personnes concernées ne soient pas d’accord sur le fait qu’il y ait ou non une erreur. Lorsque des jugements journalistiques sont en jeu, le terme « erreur » n’est pas toujours approprie. On parle d’erreurs journalistiques lorsqu’il s’agit de fausses déclarations factuelles qui peuvent être vérifiées. Même si les faits parlent généralement d’eux-mêmes, il faut une base factuelle et des preuves pour qualifier un fait de vrai ou de faux. Lorsque l’on parvient à clarifier ce point, il y a au moins une certitude entre les parties sur l’existence ou non d’une erreur.

La visibilité des corrections

Tout est clair ? Pas nécessairement. La gestion des erreurs par les journalistes est souvent délicate. Le moment, l’endroit et la manière dont les erreurs sont corrigées sont souvent à l’origine de conflits. Les médias ont tendance a accorder le moins de place possible aux corrections. Les personnes concernées demandent souvent le contraire : elles veulent que les erreurs soient corrigées de manière visible, et souvent accompagnées d’excuses.

S’excuser pour des erreurs est une norme de courtoisie dans la vie privée. Dans le contexte professionnel, ce reflexe semble moins présent. Les raisons peuvent être multiples pour les journalistes : fierté professionnelle, crainte de poursuites judiciaires (reconnaissance de culpabilité), manque de compréhension ou comportement des personnes concernées par le reportage.

Les règles sont claires

Cependant, les sensibilités personnelles en matière de gestion des erreurs journalistiques n’intéressent ni l’éthique des médias ni le droit des médias. Le code de déontologie des journalistes stipule que les professionnels des médias doivent corriger « immédiatement » les faits incorrectement rapportes (obligation de rectification). En termes de délai, les erreurs doivent donc être corrigées aussi rapidement que possible.

Cette directive est difficilement compatible avec la pratique d’un quotidien qui ne publie les corrections qu’imprimées, le mercredi. Si les erreurs journalistiques portent atteinte à la personnalité, les personnes concernées peuvent également exiger la publication d’une rectification en vertu du Code civil. La portée et la place de la rectification doivent correspondre à celles du contenu portant atteinte à la personnalité. Il peut donc arriver que des erreurs journalistiques doivent être corrigées, par exemple, en première page.

Outre la rectification, les personnes concernées par des erreurs journalistiques disposent également d’un outil juridique : le droit de réponse. Contrairement a la rectification, le droit de réponse n’exige pas une atteinte à la personnalité ; il suffit que la personne se sente concernée.

Le Code civil stipule qu’un droit de réponse « doit se limiter brièvement a l’objet de la présentation contestée ». Comme pour les rectifications, les médias n’aiment pas les droits de réponse. Parfois, on essaie donc de ne pas les designers comme tels, mais plutôt de les présenter comme une « déclaration » des personnes concernées.

Aussi désagréable que cela puisse être pour les journalistes de corriger des erreurs, les conséquences peuvent être d’une grande portée pour les personnes concernées en raison de la visibilité publique. Les erreurs médiatiques, notamment lorsqu’il s’agit d’accusations relevant du droit pénal, peuvent par exemple entrainer des procédures de conformité avec les banques pour les personnes concernées, ce qui peut avoir des conséquences financières telles que des gels de comptes. Ces conséquences et d’autres restent souvent invisibles pour les journalistes.

Pour améliorer la culture de la gestion des erreurs, les médias pourraient bénéficier de la prise en compte de ces conséquences dans leur manière de corriger. Une gestion transparente des erreurs est également bénéfique pour le public : admettre et corriger des erreurs renforce la confiance de l’audience. La colonne des corrections du « New York Times » en est un exemple louable. Les médias suisses peuvent également corriger, s’ils le souhaitent.


Manuel Bertschi est avocat chez Zulauf Partner (Zurich) et spécialiste du droit des médias et du droit d’auteur.

Veuillez remplir tous les champs.
Votre adresse e-mail n'est pas publiée.

* = obligatoire

 

Offre exclusive

Exclusivement pour les abonnés : Edito-Webinaire

La communauté Edito pour l’apprentissage entre pairs – pour que les créatifs restent créatifs, avec l’IA et d’autres outils innovants.

 

Informations et inscription

Publicité
Nouvelle édition
«Edito» in Deutsch