Secteur  Droit des médias

27.12.2023

Médias et IA – quelle transparence est requise ?

Ce que les professionnels des médias doivent considérer lors de l’utilisation de l’IA.

Par Manuel Bertschi

Connaissez-vous Klara Indernach ? Elle écrit pour le « Kölner Express » sous le sigle d’auteur KI. Sur le site web du journal, on trouve une photo de Klara Indernach créée par Midjourney, avec la mention que son nom représente des textes créés avec l’aide de l’intelligence artificielle (IA). Mais qui consulte les profils des auteurs ? Pour le lecteur moyen en tout cas, cela donne la fausse impression qu’une personne réelle a rédigé les articles. Naturellement, cela a suscité des réactions dans les médias : de nombreux journaux allemands et même la NZZ ont critiqué le « Kölner Express » pour son manque de transparence dans l’utilisation de l’IA.

En comparaison, les médias suisses ne poussent pas (encore) l’utilisation de l’IA aussi loin. Néanmoins, le Conseil suisse de la presse s’occupe intensivement de la question de l’influence des outils d’IA sur le journalisme et examine quelles règles d’éthique médiatique doivent s’appliquer à l’utilisation de l’IA dans le travail des textes. En ce qui concerne les photos mises en scène ou fictives, le code professionnel prescrit déjà des règles de marquage et donc de transparence. L’importance de vérifier la source d’une information, définie depuis toujours comme point de départ des obligations de diligence journalistiques, prend une dimension supplémentaire avec l’influence de l’IA.

Pas de révolution juridique

D’un point de vue juridique, les questions relatives à l’IA sont moins révolutionnaires que ce que la technologie incroyable pourrait laisser supposer. La législation suisse, largement neutre sur le plan technologique, prévoit une responsabilité civile des médias et des professionnels des médias pour leurs contenus, qu’ils soient créés par des humains ou par l’IA. En termes de droit pénal également, les médias ne peuvent pas se « cacher » derrière l’IA. Si l’auteur ne peut être identifié, le rédacteur responsable ou, en son absence, toute personne responsable de la publication de l’article concerné, est punissable. Une obligation d’impressum est également normée. Les entreprises de médias doivent notamment entre autres indiquer publiquement les noms des rédacteurs responsables. Il n’existe pas de règles de transparence plus poussées, surtout pas pour le traitement de l’IA. Tout au plus, la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD) pourrait impliquer que l’absence d’indications sur des articles créés par l’IA pourrait être qualifiée de trompeuse.

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« deepfake » en vidéo

Le traitement journalistique de l’IA englobe donc différents aspects : l’éthique, le droit et surtout l’artisanat des professionnels des médias. Alors que, par exemple, lors d’une recherche de données approfondie, les outils d’IA sont très utiles, un média ne peut pas se soustraire aux obligations de diligence journalistiques lors de la création proprement dite d’un rapport à l’aide de l’IA. Cela vaut notamment pour la vérification des sources et des faits. C’est précisément ce que l’IA rend difficile : reconnaître des « deepfakes » de plus en plus sophistiqués nécessite un œil journalistique d’autant plus vigilant. Les contenus générés par l’IA ne sont pas toujours aussi grossiers comme le montre l’exemple bien connu de la vidéo publié par le conseiller national Andreas Glarner sur la conseillère nationale Sibel Arslan.* Justement, cet exemple montre que les limites juridiques existantes s’appliquent également aux contenus générés par l’IA : Andreas Glarner a dû retirer la vidéo en question suite à une décision de justice.

Et qu’en est-il de Klara Indernach ? D’un point de vue juridique, son utilisation n’est pas fondamentalement contestable. Mais si les entreprises de médias ne veulent pas perdre en crédibilité, il est recommandé d’utiliser l’IA de manière transparente. Cela commence en interne par l’établissement de règles de transparence dans les lignes directrices éditoriales (comme c’est déjà le cas chez SRF) et peut se poursuivre vers l’extérieur avec des indications correspondantes dans les CGV et dans les articles respectifs.


* Note de transparence : l’auteur représente la conseillère nationale Sibel Arslan dans la procédure mentionnée contre le conseiller national Andreas Glarner.

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