EditoRialement – 21.06.2018

Après le Matin

La mort du Matin papier nous attriste, évidemment. D’abord pour nos collègues qui perdent leur emploi. Ensuite pour la disparition d’un pilier familier du paysage romand. Enfin, et peut-être surtout, pour les efforts méritoires qu’il fait depuis des années, comme d’autres titres romands d’ailleurs, pour renouveler le genre, trouver des sujets originaux, donner une plus-value au journalisme en ces temps difficiles.

Il paraît évident que le Matin papier ne meurt pas parce qu’il est mauvais, ou mal fait. Au contraire, malgré des effectifs resserrés, il me semble qu’il n’a peut-être jamais été meilleur, me retenant parfois dans sa lecture avec… un deuxième café-croissant. Cela dit non pour le réduire à sa fonction caricaturale de compagnon divertissant de bistrot, ou pour ignorer ses mérites passés. Comme le rappelait bien son frère du dimanche, Le Matin a joué un rôle important dans la vie politique et sociale de ce pays, surtout sa partie romande mais pas seulement. Un rôle parfois bousculant, comme la presse doit l’être, révélant nombres d’affaires parmi lesquelles on citera les noms de Kopp, Dorsaz, Hainard, Skander Vogt.

Peut-être plus encore que celle de L’Hebdo, la mort du Matin papier est un révélateur. S’il disparaît, c’est simplement parce que le modèle économique est mourant. Peut-on cette fois  blâmer l’éditeur? Pour une fois, il se montre transparent. En 2017, annonce-t-il, le journal a perdu plus de 6 millions de francs. Sur dix ans, près de 34 millions. Difficile dans ces conditions de mettre en cause la rétribution excessive des actionnaires, ou d’exiger que Tamedia, par responsabilité sociale, continue à perdre des millions.

Comme le disent nos interlocuteurs dans l’article que nous y consacrons dans EDITO 3/2018, il faut réinventer le financement du journalisme. Le passage au numérique en donne une bonne opportunité, mais la conversion est difficile, comme le montre l’échec de La Presse+au Québec (lire à ce sujet, sur son blog, la chronique de Marc-Henri Jobin). Bonne chance quand même au Matin numérique, projet à saluer, qui fera peut-être à nouveau de ce journal un précurseur.

Dans ce contexte, et en pensant aux collègues licenciés, il peut y avoir quelque chose qui paraît cruel à donner largement la parole, dans notre magazine, à des journalistes en devenir qui, de retour du Festival de Perugia, «de trois jours intenses dans le bouillonnement des réflexions », reviennent «sûrs d’une chose, c’est que ce métier est passionnant.» Une partie de leurs articles figurent ici sur notre site. On peut aussi considérer que leur enthousiasme est rassurant.

1 commentaire

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Von Jacques vallotton
21.06.2018
Bonne analyse. Mais l’avenir de la presse papier s’annonce crépusculaire alors que celui de la presse numérique est encore très flou. Les journalistes travaillent aujourd’hui sur la corde raide en espérant de ne pas sombrer. Respect à celles et ceux qui continuent d’y croire. Sans doute sont-ils conscients qu’il en va d’un des piliers de la démocratie.

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