Avec studio émetteur à Ferney-Voltaire mais rédaction à Genève, la française Radio Zones refait et défait le monde depuis 40 ans. Rencontre avec son rédacteur en chef Jean Musy.
Par Anna Aznaour
Adolescent, lorsque je sortais du lycée à Saint-Julien-en-Genevois, les CRS (policiers français) nous attendaient avec leurs matraques sans que l’on ait fait quelque chose… », se remémore Jean Musy. Une fois à l’université de Genève, le Franco-Suisse de 17 ans crée une association, est élu au Conseil d’Alma Mater et s’engage dans la lutte pour les droits estudiantins.
On est dans les années 1970 où le monopole étatique sur l’information commence à être contesté en Europe à travers la naissance de radios pirates. Surtout en Italie, dont la Cour constitutionnelle, en 1977, finit par limiter cette exclusivité en ouvrant la voie à la libération des ondes radiophoniques.
Jean Musy en fera son premier sujet de reportage en 1980. Un an plus tard, c’est au tour de la France de déverrouiller officiellement l’accès à ses fréquences, décision qui fera immédiatement fleurir les stations libres dans tout le pays. Parmi elles, Radio Zones, fondée en 1981 sous forme associative.
Aujourd’hui, l’Hexagone compte seulement 9 radios étatiques, contre plus de 1200 privées. Et dans cette pléthore, près de 700 sont associatives. Ce statut leur permet de bénéficier du financement de la taxe parafiscale dont les recettes proviennent de la publicité dans des médias commerciaux. A l’occasion du 40e anniversaire de Radio Zones, le journaliste Jean Musy, qui la dirige depuis 1984, a accepté de lever un coin de voile sur le fonctionnement de cette structure de deux salariés et d’une dizaine de bénévoles.
EDITO : Pourquoi avoir votre rédaction à Genève alors que vous émettez depuis le Jura français ?
Jean Musy : Parce que les montagnes sont françaises et la plaine suisse. Ainsi, les hauteurs font le « parapluie », c’est-à-dire permettent à notre fréquence d’atteindre toute la côte lémanique. D’autre part, si la France offre des subventions aux radios associatives, ce n’est pas du tout le cas de la Suisse. Une raison pour laquelle nous avons créé à Genève l’association « Les Amis de Radio Zones », dont les cotisations des membres soutiennent nos activités.
Comment est-ce que le passage au DAB+ en Suisse va vous impacter ?
Aujourd’hui, chaque radio a sa fréquence. Ainsi, nous sommes autant émetteurs que producteurs. Or, avec ce nouveau système, on aura 12 radios pour une seule fréquence. Cela signifie que l’on va perdre le contrôle de la chaîne de diffusion. Demain, on ne deviendra donc plus que des producteurs contraints à s’associer avec onze autres opérateurs qui, contrairement à nous, ont de gros moyens. Par conséquent, on peut parler d’une commercialisation déguisée de notre secteur, d’autant plus que cette technologie n’apporte aucune plus-value et ne marche ni en Angleterre ni au Canada, selon l’Association Mondiale des Radios Communautaires.
Mais quel intérêt de « supprimer » de telle sorte les radios associatives ?
Si les radios commerciales sont surtout intéressées par les fréquences qui couvrent les territoires urbains, les radios associatives, elles, s’implantent également dans les zones rurales. Cela fait d’elles une source d’influence non négligeable, surtout lors des élections…
Quelle est votre force de frappe par rapport aux autres médias ?
Faire de la radio est moins onéreux que de diffuser un journal. Sinon, la hiérarchie traditionnelle de la consommation des médias a longtemps été : on écoute d’abord la radio, ensuite on regarde la télé, et finalement on lit le journal. A noter qu’internet a chamboulé cet ordre…
En 40 ans, qu’est-ce qui a changé ?
Les mouvements de solidarité internationale n’existent plus. Sans parler des grandes causes qui ont éclaté et se sont morcelées entre différentes fractions qui s’en revendiquent. Tout ou presque se décline de nos jours en mouvances institutionnalisées, que cela soit sous forme d’ONG ou d’organismes reconnus, comme dans les cas des revendications pour les droits LGBT.
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