Actuel – 29.01.2024

« La publicité déloyale nuit aux médias »

Susan Boos, présidente du Conseil de la presse, s’engage en faveur d’une obligation uniforme d’étiquetage de la publicité. Une règle claire, valable pour tous, serait dans l’intérêt des maisons de médias, car cela leur permettrait de protéger leur crédibilité.

Interview : Matthias Zehnder, Photo : Eric Bührer

Dans les années 1990, il y avait déjà des reportages publicitaires. Qu’est-ce qui a changé depuis ?

La pression est devenue gigantesque. Par rapport aux années 1990, les éditeurs ne génèrent plus qu’une fraction des revenus publicitaires. Les entreprises Internet mondiales attirent plus de revenus publicitaires que l’ensemble du marché publicitaire de la presse en Suisse. Cette baisse menace l’existence même de la presse imprimée.

En ligne, les frontières sont plus fluides. Est-ce un problème ? Cela a-t-il un impact sur l’imprimé ?

Je pense que nous avons un problème fondamental. Nous disons : la publi- cité doit être clairement étiquetée si elle n’est pas clairement identifiable comme telle par la mise en page. La Commission Suisse pour la Loyauté est plus stricte : elle dit que la publicité doit être étiquetée et se distinguer visuellement. En ligne, le problème est encore plus grand, car la similitude entre le contenu éditorial et la publicité est très grande. Mais dans la presse écrite, le geste est bien sûr aussi présent. Les clients publicitaires veulent se rapprocher autant que possible du contenu éditorial. Tant qu’il n’y a pas de règle claire à laquelle tout le monde adhère, il est logique que les clients aillent aussi loin que possible et se présentent de manière aussi similaire que possible. Il serait donc important que tout le monde soit sur un pied d’égalité.

Quelle est la différence entre le « contenu payant » et la publicité ?

La robe. « Contenu payant » signifie : la publicité se déguise en journalisme, mais c’est tout simple- ment de la publicité. La publicité veut bénéficier de la crédibilité du journa- lisme. L’effet est que c’est exactement le contraire qui se produit : La crédibilité du journalisme est détruite.

Des études montrent que de nombreux utilisateurs ne peuvent guère distinguer la publicité classique du contenu éditorial. Est-ce important? Un journal (ou un site web) n’est-il pas simplement un paquet d’informations global ?

Si l’utilisateur n’est pas capable de distinguer la publicité du journa- lisme, alors nous avons un problème fondamental. C’est pourquoi nous insistons pour que cette distinction soit clairement visible. Si quelque chose comme « contenu payant » ou « en collaboration avec » est écrit au-dessus de la publicité, même les personnes ayant une grande com- pétence médiatique ne sont pas capables de reconnaître cela comme de la publicité payée.

La confusion règne au niveau des désignations. Une désignation uniforme aiderait-elle ?

Il faudrait utiliser des termes clairs, par exemple « publicité payée », pas des termes voilés. De plus, la mise en page devrait clairement se distinguer. Je plaide fortement pour une différen- ciation dans les mots et les graphiques.

La publicité est-elle mauvaise ?

J’adore cette question. La publicité n’est pas du tout mauvaise, elle peut être très créative. Les limites sont fixées par la Commission Suisse pour la Loyauté dans la publicité. La « WoZ » a également toujours fait de la pub- licité pour elle-même, pour que les gens sachent que la « WoZ » existe.

Quand la publicité est-elle déloyale ?

Dans ce contexte, la publicité déloyale serait celle qui s’approprie la crédibilité du journalisme. Lorsque le « Guardian» a commencé à expéri- menter avec de nouvelles formes de publicité, un scientifique des médias a dit : « Don’t eat your seeds ». C’est de cela qu’il s’agit : Si nous confondons publicité et rédaction, « nous gâchons nos graines ». C’est un peu comme avec le contenu de l’intelligence artificielle : si on ne sait pas si un texte a été écrit par un robot ou un humain, c’est quelque chose – mais certainement pas du bon journalisme authentique. Personne ne paiera jamais pour cela.

Le sponsoring serait-il préférable ?

Tout dépend de la proximité du contenu. Il est important qu’il soit clair que les journalistes sont vraiment indépendants. Rien que le soupçon qu’ils écrivent dans l’esprit et l’intention d’un sponsor suffit à pulvériser leur crédibilité.

Quel est l’impact général de la publicité sur la crédibilité ?

Si la publicité est reconnaissable en tant que telle, alors ce n’est pas un problème. C’est la publicité déloyale qui nuit aux médias. La publicité loyale ne nuit pas.

Susan Boos travaille depuis 1991 pour la « WoZ » et est présidente du Conseil suisse de la presse, l’instance d’autorégulation pour les questions d’éthique des médias.

Susan Boos travaille depuis 1991 pour la « WoZ » et est présidente du Conseil suisse de la presse, l’instance d’autorégulation pour les questions d’éthique des médias.

 

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