EditoRialement – 20.09.2017

Le pouvoir d’influence

Si nous avons accepté le dessin proposé par Stefano Boroni en couverture de ce numéro d’EDITO (septembre 2017, voir ci-contre), c’est précisément parce qu’il rappelle furieusement une marque de cigarettes. Mais ce n’est pas du Native Advertising: notre magazine n’est pas sponsorisé. Peut-être aurions-nous pu proposer à la marque de nous soutenir? Mais si nous l’avions fait, le message du dessin n’aurait pas été le même. C’est bien le problème.

Face à la prolifération du Native advertising, nous ne pouvons qu’être perplexes. Du journalisme sponsorisé, ce n’est évidemment pas du journalisme 100% indépendant. Même si les médias prennent soin de préserver leur autonomie éditoriale.

Mais est-il encore possible de financer une information 100% indépendante? Et franchement, quand l’a-t-elle été? Si cette nouvelle source de revenus pouvait épargner à la presse suisse des restructurations à répétition, comme chez Tamedia, on pourrait la considérer comme un moindre mal.

Prenons un peu de recul. Si la publicité native envahit l’information, la principale raison n’en est pas la crise de la presse. C’est la crise de la publicité elle-même, plus profonde encore. Parce la plupart des consommateurs n’en veulent plus. Sur les écrans, ils disposent de divers moyens pour éviter et contourner les annonces commerciales. Les annonceurs recherchent donc des partenariats: avec des événements, des stars… ou des contenus rédactionnels, parce que l’information, elle, heureusement, suscite encore de l’intérêt. Selon des analystes, le Native Advertising deviendra d’ici peu le format publicitaire dominant.

Difficile, dans ces conditions, de faire la fine bouche. Comme la culture, le sport, le divertissement, l’information n’a pas une infinité de modes de financement. Si ce n’est le lecteur, ou une subvention, ce sont des «partenaires» commerciaux qui trouveront un intérêt à monter dans le même bateau. Sans eux, on aura beaucoup de mal à entretenir une information tout public et variée de qualité.

Mais jusqu’où on peut aller? Au dossier proposé dans ce numéro (print), s’ajoute une interview éclairante, publiée sur ce site, du responsable marketing de Konbini, qui vit principalement de la publicité native. Est-ce envisageable pour des médias d’information généraliste? Ne risque-t-elle pas de dévier insidieusement les sujets traités? Ce qui est essentiel, c’est de préserver la crédibilité de l’information.

Ce qui ne veut pas forcément dire l’objectivité. Comme le formule Dominique von Burg dans sa Carte blanche (voir blogs), nous nous sommes peut-être fourvoyés avec cette prétention à l’atteindre. Là où nous devrions être instransigeants, c’est dans une exigence de transparence totale. Non seulement les noms des sponsors, mais aussi leur influence dans les choix éditoriaux.

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