La crise sanitaire du coronavirus pourrait doper la pratique du sport électronique en Suisse.
Par Jean-Luc Wenger
Mercredi 22 avril débutait le Tour de Suisse cycliste en chambre. Durant cinq jours, les coureurs professionnels ont gravi des cols, longé des lacs, depuis leurs home-trainers adaptés. Face aux écrans qui simulaient le parcours, ils se sont bien amusés, semble-t-il. Cette compétition virtuelle allait-elle définitivement lancer le e-sport en Suisse ? Pas sûr, parce que les simulateurs n’ont pas forcément un rapport avec le sport électronique, définition de l’e-sport.
Le cliché de l’adolescent avachi dans le canapé une console de jeu vidéo à la main s’éloigne de l’image (et de l’effort) des cyclistes professionnels, même dans leurs salons. En avril 2019, l’Office fédéral du sport (OFSPO) rendait son rapport et estimait que les compétitions de jeux vidéo n’appartenaient pas aux pratiques sportives. Le quotidien Le Temps relevait à l’époque que la décision de la Confédération était loin d’être anecdotique. « Sur le plan local, elle conditionne l’accès à des financements publics destinés à l’encouragement du sport – dont l’e-sport restera donc privé à ce stade », écrivait le journal.
La Fédération suisse d’e-sport (SESF), fondée en 2008 déjà, avait regretté de ne pas avoir été consultée. L’une des conclusions du rapport de l’OFSPO était que les éditeurs de vidéo ont toujours un intérêt économique : « ce sont les aspects monétaires qui priment et non les principes sur lesquels repose le sport traditionnel », pouvait-on lire dans le rapport. Malgré tout, le canton de Genève, par exemple considère l’e-sport comme un « vrai » sport et recense officiellement les clubs formateurs et les organisateurs de tournois.
Les athlètes pratiquants de FIFA 20 attirent les clubs de football : St-Gall ; Lausanne-Sport ; le FC Bâle ; Lugano ; Lucerne ; Young Boys ; Thoune ; Zurich, Neuchâtel Xamax ou le FC Sion ont investi dans la formation des jeunes athlètes numériques. Et pas uniquement sur FIFA 20, mais aussi sur des jeux de rôle ou de combat comme « League of Legends » ; « Counter Strike » ; « Fortnite » ou encore « Super Smash Bros Ultimate » …
Pour l’instant, l’argent des sponsors suisse ne pleut pas sur l’univers du jeu vidéo. Mais les opérateurs de télécommunication s’y intéressent, voyant dans les joueurs des consommateurs. Swisscom organise des tournois et vise la création d’une ligue professionnelle. Le câblo-opérateur UPC investit également dans ce domaine depuis quelques années. Postfinance, quant à elle, a créé sa propre équipe semi-professionnelle.
Le canton de Genève considère l’e-sport comme un « vrai » sport.
En février de cette année, une enquête très fouillée de l’Agence télégraphique suisse démontrait que les équipementiers sportifs commençaient à s’intéresser à l’e-sport.
La majorité des joueurs est âgée de 16 à 34 ans et représente un marché important, surtout que cette génération n’est que peu touchée par la communication traditionnelle. L’équipe française d’e-sport Vitality l’a compris très vite en négociant un contrat avec la marque allemande Adidas. Les conditions financières seraient largement supérieures à ceux des clubs de football de première division. Puma s’y est mis aussi et développe des produits spécifiques pour les e-sportifs. Nike tâte prudemment le marché.
Si l’e-sport se professionnalise, il ne devrait pas échapper aux affres du sport professionnel : corruption, tricherie, dopage, paris truqués… Mais bon, si le sport électronique console, c’est gagné !
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