EditoRialement – 15.04.2015

Les règles du jeu

Editorial 15/2, avril 2015

Citer fidèlement son interlocuteur, c’est moins simple que ça n’en a l’air. L’illusion est de croire à l’exactitude intrinsèque des mots: ceux qu’on rédige ne traduisent jamais parfaitement la pensée de la personne interviewée. Même si la retranscription de l’entretien enregistré reflète rigoureusement les propos tenus, le texte perd le langage non verbal. Marlon Brando le dit bien dans un livre d’entretiens paru en 1993: il a regretté la plupart de ses interviews, non seulement parce que «les journalistes sortent les choses du contexte et les juxtaposent, si bien que cela ne reflète pas du tout votre pensée», mais aussi parce que «vous prononcez une phrase dans un certain état d’esprit, avec le sourire, et quand c’est imprimé le sourire a disparu.»

Les journalistes qui ont fait cette expérience enrichissante de se retrouver de l’autre côté, et de se relire dans les réponses, ont sans doute ressenti une même démangeaison à réécrire ce qu’on a dit, ce qui n’est pas tout à fait ce qu’on voulait dire. Mais en y renonçant sans doute pour ne pas embêter le ou la confrère, en se disant que ça ira, c’est presque ça.

Il n’est pas étonnant qu’en profitant des moyens de communication rapides de notre époque, les politiciens, les vedettes, bientôt tous ceux qui ont affaire aux médias demandent à relire et retoucher leurs propos. Pourquoi pas? L’important est d’en bien fixer le cadre. L’ennui, c’est qu’en général les exigences ne s’arrêtent pas là. Comment faire face à tous ces chargés de communication qui, désormais bien plus nombreux que les journalistes, trouvent leur rôle à jouer dans le filtrage maximal des messages?

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