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Actuel – 26.06.2019

Native advertising: des développements dangereux

par Dominique Diserens, Dr. iur., Secrétaire centrale impressum

Le «Native advertising» (ou publicité native ou publicité caméléon) est une nouvelle forme de publicité née il y a quelques années sur internet. Elle revêt des effets inquiétants sur la libre formation de l’opinion publique. Elle peut être définie ainsi: tout type de publicité qui par sa forme, son emplacement et son contenu ressemble et s’intègre fortement aux contenus éditoriaux de la presse écrite et des sites internet. Les marques privilégient sur internet cette forme de publicité pour passer outre le choix du public de ne pas subir d’annonces publicitaires. Usuelle sur internet, cette manière de faire est aussi en train d’envahir la presse écrite au risque de lui faire perdre toute crédibilité auprès des lecteurs. On peut légitimement s’en inquiéter.

Le Conseil suisse de la presse a fixé les contours de cette forme de publicité du point de vue déontologique. Car, en effet, il existe un principe sacro-saint qui est celui de la séparation de la publicité et du rédactionnel, dont l’application permet de ne pas tromper le public, ni apporter de risque de confusion. Ainsi ces contributions doivent être nettement séparées du rédactionnel par leur mode d’écriture, par la séparation physique avec les articles et ils doivent être mentionnés comme de la publicité. Une simple signature en fin de contribution du sponsor ne suffit pas. La simple mention « annonce » ne suffit pas non plus lorsque la contribution est écrite comme n’importe quel article. En fait lorsque la contribution payée ne se distingue pas de manière univoque du rédactionnel, elle doit être signalée explicitement comme publicité.

Il ne s’agit pas de tracasseries, mais de règles absolument indispensables pour que le média ne perde pas toute crédibilité auprès du public. D’ailleurs les éditeurs ont reconnu de manière générale ces principes de séparation de la publicité et du rédactionnel dans un Code de conduite de la branche.

Un autre principe entre en jeu avec le «Native advertising», celui de l’indépendance rédactionnelle. Les journalistes ne doivent pas être contraints de collaborer à de telles contributions; ils doivent pouvoir garder justement leur indépendance. Cela fait partie des Devoirs même du journaliste dans la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes.

impressum s’est offusqué publiquement en mai 2019 de la violation de ces règles par une publicité de Swisscom parue dans les pages de titres de Tamedia. Après avoir alerté l’opinion publique, impressum a été suivi par le Conseil suisse de la presse qui a condamné les effets pernicieux de cette forme de publicité «qui mine la crédibilité du journalisme, une crédibilité sans laquelle il perd son sens». Il a également dans sa communication du 16 mai 2019 rappelé les principes en la matière.

On peut être inquiets de la multiplication dans les titres de presse écrite en Suisse de ces annonces sous une forme peu regardante des principes expliqués ci-dessus. Le public ne va-t-il pas finir par ne plus y croire ? Cela serait le plus terrible qui puisse arriver pour la presse écrite et le journalisme.

On trouverait alors plus sain que les éditeurs en mal de revenus, au vu de la crise actuelle, adhèrent à une aide directe au journalisme, aide qui serait distribuée selon des critères précis par une fondation pour protéger l’indépendance journalistique.

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