Des études comparatives montrent qu’une majorité de pays européens connaissent des aides directes à la presse. C’est le cas de la France, souvent citée. Mais aussi de l’Italie.
Par Gilles Labarthe
En novembre 2020, les spécialistes des médias Manuel Puppis et Stefano Pedrazzi (Université de Fribourg, département des sciences de la communication et des médias) ont remis à l’Office fédéral de la communication un rapport de synthèse sur les principes de promotion des médias print et online, avec des comparaisons par pays.
Ils notent en particulier que le système de soutiens direct et indirect italien qui existe depuis de nombreuses années a connu une réforme intéressante en 2016, avec la création du « Fondo per il pluralismo e l’innovazione dell’informazione » (FPII, loi n° 198 du 26 octobre 2016, voir lien ci-dessous). Un tel fonds représente une belle source d’inspiration pour les autorités suisses, à plus d’un titre.
Le financement italien est un bel exemple d’aide directe.
Effort collectif. Chaque année, ce fonds permet en effet de distribuer des dizaines de millions afin de soutenir la diversité de la presse d’information. Il réunit des sources de financement multiples : divers instruments de soutien à l’édition et aux services de radio et de télévision au niveau local ; excédents de la redevance radiophonique – jusqu’à un montant maximal de 125 millions d’euros ; contribution de solidarité de 0,1% des revenus des entreprises commercialisant la publicité pour les médias… Les sociétés privées actives sur le marché de la publicité sont tenues de participer à l’effort collectif.
Outre la diversité des sources de financement, les types et critères d’attribution méritent aussi attention. Manuel Puppis et Stefano Pedrazzi rappellent que « le FPII comprend sept piliers : le financement de la production pour les publications dans le domaine de l’information, pour les publications dans les langues minoritaires, pour les médias étrangers, pour les publications destinées aux malvoyants et dans le domaine de la protection des consommateurs et pour les radios locales, ainsi que le financement de projets pour les médias nouvellement créés et pour les stations de radio ».
Aides indirectes classiques. Ce « financement de la production » est un bel exemple d’aide directe. En 2018, un total de 62,4 millions d’euros était disponible pour ce premier pilier du FPII, selon les chiffres du Dipartimento per l’informazione e l’editoria, en Italie. Parmi les critères à remplir, les médias doivent exercer une activité d’information générale indépendante et autonome… mais aussi, être édités par des coopératives journalistiques, des sociétés dont le capital est majoritairement détenu par des coopératives, ou des fondations, institutions ou sociétés sans but lucratif.
La loi se base sur le principe d’une subvention des coûts de production dégressive, calculée en fonction du nombre d’exemplaires vendus, ce qui favorise les médias de dimension modeste ou moyenne. Elle exclut les grands journaux nationaux, tels que La Repubblica, le Corriere della Sera ou la Stampa, de même que les publications éditées par des partis, mouvements politiques et syndicats ou par des entités cotées en bourse. Ces derniers bénéficient en revanche d’aides indirectes classiques (réduction des tarifs postaux pour les éditeurs, crédit d’impôt pour les entreprises de presse).
Apport crucial. Originaire de Rome, la journaliste d’investigation italo-suisse Serena Tinari fait remarquer que de nombreux titres « doivent leur survie à ces fonds d’aide directe à la presse ». Et parmi eux, figurent des titres aussi divers que « Avvenire, un quotidien catholique, mais qui fait vraiment partie des quotidiens italiens qui font du bon travail, ou Il Manifesto, un quotidien communiste et indépendant qui a connu plusieurs problèmes financiers et qui sans cet argent n’aurait probablement jamais pu survivre si longtemps ».
Cet été, la liste des dizaines de titres bénéficiaires des subventions de 2020 (entre 900 000 et 6 millions d’Euros chacun) vient d’être publiée par les autorités italiennes. Un apport crucial pour maintenir la diversité et la qualité des médias écrits, surtout après les effets du Covid-19. En Italie, la pandémie a durement touché non seulement le secteur de la presse mais aussi l’accès aux sources et la mission d’informer des journalistes — de plus en plus pris pour cible dans des manifestations contre le port du masque et depuis peu, contre le nouveau « pass sanitaire », s’inquiète à Rome la FNSI, syndicat des journalistes italiens, et Reporters sans frontières.
Manuel Puppis et Stefano Pedrazzi, Ländervergleich Onlinemedienförderung: Ergänzungsbericht. Bericht zuhanden des Bundesamts für Kommunikation. Departement für Kommunikationswissenschaft und Medienforschung DCM, Université de Fribourg, Novembre 2020.
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