A la veille des prochaines votations du 13 février 2022 sur les aides aux médias, un nouveau rapport vient d’être rendu public : il documente le retard considérable de la Suisse en matière de mesures de soutien à la diversité de la presse d’information écrite imprimée et en ligne, au niveau européen.
L’étude intitulée « Aider la presse. Stratégies et perspectives en Suisse romande » a été réalisée en 2021 par une équipe de chercheurs, rattachés à l’Université de Fribourg, sur mandat de l’Association Nouvelle Presse et avec le soutien financier de fonds publics (Etat de Vaud, Etat de Genève et Ville de Genève). Elle rappelle qu’au niveau fédéral et à ce jour, la Suisse n’a pas – encore – mis en place de dispositions pérennes sur le modèle de celles qui existent depuis longtemps dans des pays voisins.
Tandis qu’en Suisse, les mesures existantes pour la presse écrite se limitent à de l’aide indirecte (réduction de la TVA et rabais de distribution via La Poste, principalement), des pays comme la France ou l’Italie vont beaucoup plus loin : ils combinent des mesures d’aides directes et indirectes, globales mais aussi sélectives – notamment pour garantir la survie de titres indépendants et régionaux, renforcer la diversité et la concurrence, faire contrepoids à la concentration des médias et assurer à la population une couverture de l’actualité locale.
L’exemple des fondations
En matière d’aides aux médias, les exemples des pays scandinaves sont souvent mentionnés. Mais depuis plus d’une décennie, nos pays voisins ont aussi ajouté à leurs dispositifs la création de fonds publics et fondations destinés spécifiquement à promouvoir la diversité des médias. Ils représentent un moyen supplémentaire de résoudre les oppositions de principe aux aides directes, par la création de plateformes de redistribution à l’intention des médias bénéficiaires, préservant leur indépendance.
En Italie par exemple, le « Fondo per il pluralismo e l’innovazione dell’informazione » réunit des sources de financement multiples. Sur la base de critères clairement établis, il permet d’allouer des dizaines de millions d’euros par an, afin de soutenir la diversité de la presse d’information : en priorité, aux titres indépendants des grands groupes médiatiques et à ceux s’adressant à un lectorat local, ainsi qu’à des minorités.
Cinq projets innovants en Suisse romande
Au niveau européen, il existe de nombreux exemples inspirants de mesures et dispositifs financés en premier lieu par les pouvoirs publics et assurant tant l’indépendance que la qualité des médias soutenus. Or en Suisse, les rares tentatives de s’inspirer de la création de telles fondations ont jusqu’ici été seulement le fait d’initiatives locales et cantonales, et non pas fédérales. Pour la première fois, le rapport « Aider la presse » passe en revue ces rares initiatives, développées depuis 2017 sans qu’aucune n’ait à ce jour été concrétisée, faute d’approbation au niveau politique.
Ce rapport détaille aussi cinq projets innovants et plus spécifiques (« Pacte de l’enquête » ; « Journalistes de demain » ; « Médias pour tous » ; « Médias de demain » ; « Coulisses des médias »), dont certains ont déjà été lancés au niveau national, mais par les seules organisations professionnelles (« Pacte de l’enquête », en juin 2021). D’autres ont été développés par des autorités cantonales (Canton de Vaud). Le rapport précise les contours de ces cinq types de projets visant à promouvoir une information citoyenne : critères, budgets, avantages et inconvénients éventuels.
En conclusion, les chercheurs soulignent que de telles mesures et stratégies de soutiens s’avèrent désormais indispensables pour compenser des phénomènes de plus en plus inquiétants par leurs impacts : chute des revenus publicitaires, baisse du lectorat, crise des modèles d’affaires, concurrence des médias gratuits, d’internet et des réseaux sociaux, nouvelles habitudes de lecture en particulier chez les jeunes, fuite des annonceurs vers les GAFA. L’enjeu est maintenant de définir comment inscrire ces projets – notamment, de fondations – dans la loi et pérenniser les mesures, au niveau cantonal ; mais aussi, les étendre au niveau inter-cantonal, régional et fédéral.
Cette étude a été réalisée par Gilles Labarthe, Denis Gay et Daniel Beck (Drs, Université de Fribourg), avec Ulrich Fischer, consultant indépendant.
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